Utca où ça ?

Utca où ça ?

Julie Marchais

 

La rentrée scolaire passée, ses affres et son stress evacués, voici le moment pour tous les nouveaux arrivés de découvrir Budapest et ses charmes.

 

 

Il est probable que votre premier mot hongrois, après le magnifique «jónapot kivánok», ait été utca (à prononcer outssa). Rue d’hôtel ou recherche d’adresse en vue d’une installation locale, utca est le premier ticket gagnant vers la compréhension de notre environnement. Des avenues nommées Attila, ce terrifiant personnage à la renommée légendaire, aux rues aux mots hongrois obscurs, voici une petite sélection de quelques noms à retenir pour naviguer autour du Danube en connaissance de cause. Quelques rudiments sont nécessaires : utca signifie rue, út: avenue, körút: Boulevard, tér: place et híd: pont (Non, non, il ne s’agit pas d’un cours de hongrois, mais d’une tentative d’aide à l’approche spatio-temporelle des lieux).

Tout d’abord Attila! Chronologiquement le plus ancien que j’ai retenu. Une dizaine de rues de Budapest portent son nom. Cette terreur des manuels scolaires français, le Hun après qui rien ne repoussait, qui, pour assouplir sa viande la mettait sous la selle de son cheval dont il ne descendait jamais (vous vous souvenez, certainement de ce passage impressionnant de vos cours d’histoire) est en effet héros national. Souverain d’un des peuples les plus puissants de son temps, son empire allait de la Pannonie à la mer Caspienne, avec pour frontières le Danube, la mer noire, et le Caucase vers le Sud. Si les campagnes menées au 5e siècle en Gaule et en Italie ont inspiré la légende et l’ont qualifié de «fléau de Dieu», en Hongrie où il s’était établi, son image est radicalement différente. Les Huns étaient des éleveurs de bovins et de chevaux et d’excellents artisans. La popularité de leur glorieux et puissant chef a traversé les siècles. Attila est d’ailleurs un prénom fréquent ici.

Vous ne manquerez pas non plus Árpád lors de vos pérégrinations. Du pont nommé d'après lui à la place des héros (Hôsök tere) où sa statue tient la place centrale, vous croiserez le fondateur de la dynastie royale à plusieurs reprises. Il était le chef d'une tribu magyare et fut élu fejedelem (prince souverain) des sept tribus à la fin du 9e siècle. Pour l’anecdote, les chroniques médiévales racontent que les sept chefs versèrent leur sang dans une coupe et burent à tour de rôle pour sceller leur alliance.

Attila József ne doit pas être confondu avec son homonyme. Si souvent vous croisez son nom, c’est en hommage à sa poésie. Cet homme est l’un des plus grands poètes du XXe siècle. Son œuvre, associée à sa précocité et à sa vie tragique, rendent son personnage fascinant. L’UNESCO a déclaré 2005 «année mondiale de Attila József» pour célébrer le centenaire de sa naissance. En Liszt Ferenc tér près de l’opéra vous aurez reconnu Franz Liszt, le célèbre compositeur et pianiste hongrois du 19e siècle.

Continuons nos promenades budapestoises parmi les grands hommes. La révolution hongroise de 1848 a fourni de nombreux héros à la nation, et ceux-ci se côtoient dans Budapest entre places et ponts.

Ces patriotes ont été les acteurs de l’obtention d’un gouvernement plus indépendant pour la Hongrie au sein de la monarchie Austro-Hongroise. Parmi eux :

- Lajos Kossuth, dont la place face au Parlement porte le nom. Défenseur du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, il était le plus radical.

- Ferenc Deák , plus modéré, était partisan d’une indépendance non-violente vis à vis de l’Autriche. Il mena des négociations efficaces qui aboutirent à la création d’un nouveau conseil de Hongrie.

- L’équivalent des champs-Elysées de Budapest, l’avenue Andrassy porte le nom du comte (amoureux de Sissi?) qui défendit ardemment les intérêts hongrois. Il exerça notamment la fonction de premier Président du conseil.

- L’incontournable István Széchenyi est l’un des plus grands hommes d’état du pays. Grand réformateur, il a œuvré pour la modernisation de la Hongrie. Il a créé l’académie des sciences et est aussi à l’origine du lanchid, qui porte son nom, premier pont permanent construit sur le Danube. Son père Ferenc, homme des lumières, est également célèbre et la bibliothèque nationale, à qui il a donné son immense collection de manuscrits, porte son nom.

N’oublions pas les quelques femmes à l’honneur : Erzsébet tér, korut et híd pour Sissi, qui adorait la Hongrie, qui le lui rendait bien. Et la célèbre place Blaha Lujza qui reçut son nom d’une actrice très populaire du début du 20e siècle. Mais trêve des grands hommes un instant, les lieux se parent aussi de petits noms originaux voire romantiques qui méritent que l’on s’y attarde pour mieux les retenir. Rózsadomb, le quartier résidentiel chic de Budapest, signifie colline des roses. Le parallèle avec le Rose Hill londonien est joli. Ces roses là sont probablement celles du jardin du pacha qui logeait ici du temps de l’occupation turque. D’ailleurs Rózsakert signifie jardin des roses, et Pasaréti út l’avenue du champ du Pacha. Celle-ci est très utile pour tous ceux qui habitent près du Lycée français. Elle permet de rallier Moszkva tér en évitant tous les feux de Hûvösvölgyi út, la vallée froide. En effet, il fait toujours plus froid là-haut qu’au centre ville. L’hiver la neige y tient plus longtemps, et l’été il y fait plus frais.

Ördögárok, la rue du restaurant Náncsi Néni, signifie le fossé du diable, en référence à un ancien torrent, le plus impétueux de Buda.

Autant de rues, autant d’histoires. Budapest nous parle. Au nord de Budapest, le nouveau pont sera bientôt ouvert. Lieu-dit, artiste ou héros, quel sera son nom ?

 

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