Théâtre: Opéra paysan

Théâtre: Opéra paysan

Cela fait trente sept ans que le festival d'automne de Paris, toutes antennes dehors, regarde et programme les évolutions de la création internationale. Si le "Ôszi Fesztival" vous parle à Budapest, cette année les Parisiens se sont mis au hongrois surtitré. C'est en arias que cette langue exotique est venue les enchanter au Théâtre de la Cité Internationale. Un opéra, quelle bonne idée ! Paysan qui plus est.

 

On connait en France Árpád Schilling, il faudra désormais compter avec Béla Pinter. A 38 ans, ce jeune homme inspiré venu de la performance et de la danse, a été formé au théâtre Szkéné de Budapest. Bourses et prix se succèdent jusqu'en 2003, année où il intègre le fameux Théâtre National Hongrois comme metteur en scène invité. Son "Opéra paysan" est l'une de ses oeuvres phares, mêlant intrinsèquement musiques folklorique et baroque.

Ce projet s'inspire très librement de "L'Opéra des gueux" de John Gay, dont était déjà tiré "L'Opéra de Quat'sous" de Brecht. Voici ce qu'il se trame sur le dessus et le dessous de la scène de Pintér: un mariage se prépare à la hâte, mais l'harmonie va tout aussi rapidement se dérégler, à mesure que les péripéties du drame viennent mettre à jour secrets de famille ou d'alcôve.

Un décor réaliste de paille et de charette fait craindre le pire. Oh ringardise, pensera-t-on à la vue des costumes redondants qui collent à la pauvre psychologie des personnages servis par des comédiens sans aucune virtuosité musicale. Et pourtant, l'insolence de la mise en scène fait voler ces a priori en éclat. Le brio des acteurs et des musiciens nous transportent pris entre rire et effroi au fin fond de chaque village hongrois, et c'est vraiment magique. Béla Pintér se fait le portraitiste minutieux de la tragédie pastorale, avec le plus grand humour. Car c'est bien une comique cruauté qui explore les dessous de la fête et fera exploser les secrets les plus sombres, en 1h10 ni plus ni moins.

Pintér bouscule avec fougue les notions d'authenticité ou de pastiche. Loin d'être une simple parodie d'opéra, la pièce est une balade baroque qui brasse des récitatifs accompagnés au clavecin et des chants populaires transylvaniens, transformés en arias sous la baguette de Benedek Darvas, musicien bulgare. Les parties de danse folklorique comme on les connait bien, alliées à une mise en scène rigoureusement contemporaine, sont absolument croustillantes de plaisir. Du rire jaune à l'émotion pure lors des lamentations, l'opéra paysan a su capturer l'instant précis où le rire se glace.

De quoi se remémorer que la Hongrie s'est toujours sortie du tragique à travers une fatale ironie...

 

www.festival-automne.com

jusqu'au 21 décembre

 

Emmanuelle Sacchet

 

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