Mission impossible?

Mission impossible?

Nouvelle proposition de loi sur l’imposition des sociétés off-shore

Si la crise économique mondiale contraint la plupart des Etats à envisager une baisse de leurs revenus, les fraudes fiscales représentent en outre un manque à gagner auxquels ils ont décidé de s'attaquer plus fermement. La Hongrie à son tour s'intéresse à ces fortunes qui "glissent" vers les paradis fiscaux.

 

 A l'heure actuelle, les sociétés off-shore qui ont une activité en Hongrie doivent s'acquitter de taxes, comme toutes les autres sociétés. En revanche, les sociétés qui, à l'inverse, mènent des activités dans ces paradis fiscaux, ne les déclarent pas au fisc. Selon le plan de sauvetage mis en place par le nouveau Premier Ministre, Gordon Bajnai, les acti-vités financières menées vers ces pays seront désormais assujetties à une imposition plus sévère et contrôlée, tandis que la notion de «société étrangère contrôlée» (SEC) sera révisée.

Voilà dix ans que la vague des sociétés off-shore a atteint la Hongrie, où l'on compte aujourd’hui 1700 entreprises dont les sièges so-ciaux se trouvent dans des paradis fiscaux européens et d’outre mer. Dans les pays, comme la Hongrie, où les taux d’imposition et les charges sociales sont particulièrement élevés et les bénéfices sur les participations soumis à un taux d’imposition de 50%, les entrepreneurs cherchent de plus en plus à échapper à ces taxations nationales en implantant leurs sociétés holding dans un paradis fiscal. Jusque là, tout reste parfaitement légal. En effet, n’importe qui a le droit de créer une société et de l’immatriculer à l’étranger. Et dans ce cas, l’impôt sur l’activité locale de la société est exigé sur place. Le problème, c’est que bien souvent, ces sociétés déclarent les activités effectuées dans le «pays-mère» comme «activité locale», qui sont ainsi assujeties aux taux de taxation négli-geables réclamés par les paradis fiscaux et qui échappent ainsi au budget du «pays-mère». Par ailleurs, certaines sociétés off-shore n’ont pas du tout d’activité réelle et ne servent que d'étape transitoire ou de réserve de fortunes personnelles, de revenus non déclarés et de participations cachées, versées au titre d’actes totalement fictifs.

La mise à jour de ces délits est problématique car les contrats des holdings se limitent aux actes de la société seule et non à celles de ces dirigeants. En 2007, le montant des fortunes non déclarées et versées sur les comptes off-shore a été estimé à 7,3 milliards de dollars. Elles sont abritées par les pays suivants: la Suisse (27%), les Iles de la Manche (24%), le Luxembourg (14%), les Iles Caraïbes (12%), Singapour et les Etats-Unis (chacun 7%) et Hong-Kong (3%).

Or, la Hongrie est trop fragile pour pouvoir se permettre de laisser filer de telles fortunes hors de ses filets fiscaux. C'est pourquoi le gouvernement a lancé une proposition de loi sur la taxation des sociétés off-shore. Celle-ci consisterait en l’imposition à la source de 5 à 15% des versements hongrois effectués vers les comptes off-shore des pays avec lesquels la Hongrie n’a pas de partenariat fiscal, et ce pour éviter la double-imposition. La volonté est là, mais il reste à étudier qu'elle soit effectivement conforme aux directives européennes. Si ce n'est pas le cas, la loi ne concernera que les pays hors UE: les paradis fiscaux européens, comme Chypre ou le Luxembourg, resteraient donc toujours accessibles aux sociétés off-shore.

De plus, le projet de loi prévoit de resserrer le contrôle des sociétés de propriété étrangère. Aujourd’hui les holdings implantés sur le territoire de l’Union Européenne et de l’OCDE, ou dans les pays ayant signés des contrats de partenariat fiscaux avec la Hongrie, sont assujetis à des procédures fiscales fortement contrôlées. Le projet de loi élargirait ce groupe aux sociétés implantées dans tous les autres pays où l’impôt sur le chiffre d’affaire est inférieur aux deux tiers des taux hongrois. Seulement, pour pouvoir effectuer ce contrôle, il faut disposer de certaines informations, et pour se les procurer, l'Etat hongrois aurait besoin de collaborer avec les paradis fiscaux, pas vraiment coopératifs en la matière. La Hongrie étant un petit pays doté d'un pouvoir économique limité, elle ne peut envisager de toucher ces fortunes cachées qu’à l’aide d'un lobby international. En février, le Conseil Européen a adopté un projet de directive sur la coopération fiscale européenne, permettant aux autorités nationales de découvrir les informations relatives aux citoyens qui échappent aux obligations fiscales locales. Puis, lors du sommet européen d’avril, les membres du G20 ont projeté de mettre fin à «l’époque du secret bancaire». Les dirigeants des pays les plus développés ont adopté le rapport de l’OCDE (Progress Report) réclamant la nécessaire coopération des paradis fiscaux et l’évolution des accords internationaux contrôlant l’échange des informations à des fins fiscales et bancaires. Ils ont en outre déclaré vouloir sanctionner tout abus ou refus de communiquer des informations.

Pourtant certains jugent les tentatives du gouvernement inutiles car, alors qu’en République Tchèque les sociétés off-shore représentent 3% des sociétés, en Hongrie ce chiffre ne s’éleve qu’à 0,3%, proportion négligeable – affirment les critiques. Notons par ailleurs que ces données peuvent également être le signe d'une concentration de ces activités off-shore entre les mains de sociétés ou particuliers peu nombreux mais très puissants.

Kata Bors

 

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