Visages politiques: Zsigmond Járai

Visages politiques: Zsigmond Járai

Ancien ministre des Finances dans le gouvernement de Viktor Orbán et ex-président de la Banque nationale hongroise (MNB), Zsigmond Járai est l’un des plus grands experts économiques du parti d’opposition Fidesz. Il joue désormais un rôle majeur dans la préparation du parti à la prise du pouvoir en avril prochain.

Zsigmond Járai est diplômé de l’Université Karl Marx de Budapest (devenue l’Université des sciences économiques après le changement de régime et Université Corvinus en 2004) et a acquis une grande expérience dans la sphère bancaire. Entre 1976 et 1987, il a travaillé à la Banque d’Etat de développement à différentes postes et est devenu vice-président de Budapest Bank en 1988. Il a en outre été président de la Bourse de Budapest pendant trois ans et conseiller de différentes maisons d’investissements dans les années 1990. Il a quitté le poste de président de la banque ABN Amro lorsque Viktor Orbán l’a invité dans son gouvernement en 1998. L’une de ses mesures phares en tant que ministre des Finances fut l’adoption du budget qui, contrairement à la tradition des budgets annuels, a été élaboré pour une période de deux ans. Le gouvernement entendait ainsi planifier les dépenses à plus long terme. Une mesure très critiquée par le parti socialiste (MSZP) puisque, le vote du budget en fin d’année constituant un certain contrôle du gouvernement par le Parlement, le Fidesz contournait tout bonnement cette consultation l’année suivante.

Entre 2001 et 2007, Zsigmond Járai a été président de la banque centrale de Hongrie (MNB) et sa collaboration, à partir de 2002, avec les gouvernements de la coalition MSZP–SZDSZ, a été ponctuée de  nombreux désaccords. La MNB suivait notamment une politique monétaire assez stricte qui visait à réduire l’inflation afin de renforcer le forint. Le gouvernement de Péter Medgyessy, quant à lui, aurait préféré un forint faible, plus avantageux pour les exportateurs hongrois. D’autre part, ce gouvernement, qui a cumulé des déficits budgétaires colossaux, aurait plus facilement pu renflouer ses caisses si la MNB avait diminué son taux d’intérêt. Mais le Conseil monétaire, une division au sein de la MNB qui décide du taux directeur, rechignait à le faire. Il a finalement été contraint de le diminuer à la suite d’une vague spéculative contre le forint en 2003, mais la tension entre le gouvernement et la direction de la MNB était alors devenue palpable. La situation s’est encore aggravée en 2005 lorsque le gouvernement de Ferenc Gyurcsány a modifié la loi sur la banque centrale, ce qui lui a permis d’une part de déléguer quatre économistes proches du gouvernement au Conseil monétaire de la MNB et d’autre part d’empêcher Zsigmond Járai d’être réélu.

Zsigmond Járai s’exprime souvent dans les médias pour critiquer la politique économique du gouvernement Bajnai. Il considère que le budget pour l’année 2010, qui a été voté par le Parlement début décembre, «est une compilation de manoeuvres malhonnêtes» et que le gouvernement cache des choses importantes aux citoyens. Ainsi, alors que le Ministère des Finances envisage un déficit budgétaire de 3,8%, Zsigmond Járai estime que, compte tenu des dépenses qui ont tendance à apparaître au cours de l’année, il se situera autour de 7%. De même il considère que les recettes de l’Etat ont été sur-estimées, ses dépenses sous-estimées et qu’il ne s’agit que d’un “budget fictif”. Il prévoit à un recul du PIB de 2 à 4% en 2010, contre 0,6% selon les calculs du gouvernement.

Zsigmond Járai est le porte-parole des 29 économistes qui, fin novembre, ont publié une lettre ouverte dans les plus grands quotidiens hongrois pour demander aux députés de ne pas voter le budget. Selon eux il s’agit d’un budget dangereux qui contient trop de redressement et met en péril la reprise économique du pays. Viktor Orbán, chef du parti Fidesz, a rencontré ces économistes une semaine plus tard et leur a demandé d’élaborer un document dans lequel ils expliquent aux citoyens quelles sont précisément les “manoeuvres” dans le budget et comment le gouvernement leur a menti.

Anna Bajusz

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