De l'importance des langues étrangères...

De l'importance des langues étrangères...

Rencontre avec le Dr. Éva Kelemen, responsable de l'Unité Linguistique Appliquée et chargée des relations internationale, et le Dr. Emőke Jámbor, chef du département des langues néolatines, à l'Institut des langues de l'Université des sciences techniques et économiques de Budapest (BME)

JFB: Quelle est la spécificité de l'enseignement des langues au sein de l'université des sciences techniques et économiques?

Emőke Jámbor: Contrairement à l'université des sciences humaines ELTE par exemple, où l'on forme de futurs enseignants et de futurs chercheurs en littérature et linguistique, notre université propose plusieurs types d'enseignement des langues étrangères. Traditionnellement cette université forme des ingénieurs et des spécialistes en sciences économiques. Ainsi notre institut donne-t-il des cours de langues à ces futurs ingénieurs, économistes, sociologues, etc. qui ont besoin de connaissances linguistiques. Le profil principal est donc celui d'étudiants qui suivent des cours de FLE (Français Langue Etrangère) général ou un enseignement des langues avec des objectifs spécifiques adaptés aux sciences de l'ingénieur, à la communication en entreprise, etc. Il existe également un autre volet avec la formation de traducteurs interprètes, ouverte à un public plus large qui n'est quant à lui pas nécessairement inscrit à l'université technique en sciences de l'ingénieur.

JFB: Y-a-t-il une évolution dans la politique de l'université BME vis-à-vis des langues?

E.J: Cela varie... Il y a des restrictions budgétaires, les enseignants ont une charge horaire plus importante qu'avant, et. mais cela reste vivable et l'essentiel est que cette offre soit maintenue. En effet, dans de nombreuses universités et écoles supérieures, elle est tout bonnement supprimée et les étudiants qui le souhaitent doivent prendre des cours de langue à leurs frais.

JFB: Qu'en est-il de la demande des étudiants?

E.J: Cela dépend des langues mais aussi beaucoup des étudiants eux-même. Il y en a, de plus en plus nombreux, qui réalisent que leur réussite professionnelle dépend assez largement de leur compétence communicationnelle, en particulier en langues étrangères. Car si un candidat ingénieur se doit de parler anglais lorsqu'il postule à un emploi, c'est souvent la maîtrise d'une deuxième langue qui détermine le choix d'une entreprise. Cela explique aussi que les langues latines restent assez populaires. Nous avons donc un public d'étudiants très agréables, car leur choix pour l'italien, le français ou l'espagnol est un choix de cœur. C'est important et cela rend le travail plus facile. C'est aussi dans ce sens que notre département organise régulièrement des soirées francophones, en particulier une soirée bretonne en décembre dernier, à laquelle l'Institut français a apporté son soutien. Nous entretenons en effet de très bonnes relations avec le service culturel de l'ambassade de France.

JFB: Certains étudiants choisissent-ils encore le russe en deuxième ou troisième langue?

E.J: De plus en plus oui et c'est une curiosité de l'histoire car, quand c'était obligatoire, pratiquement personne ne le parlait couramment. Or il existe maintenant des relations économiques et commerciales avec la Russie et il y a désormais plus de candidats. Ce sont en général des étudiants brillants avec une forte motivation pour la culture et la langue.

JFB: En ce qui concerne le choix du français, quelles sont en général les motivations des étudiants? Vous évoquiez tout à l'heure d'un volet émotionnel ou affectif...

E.J: Il y a plusieurs raisons. La première sans doute c’est le grand nombre d'entreprises françaises ou à participation française présentes en Hongrie. En effet, la France est l'un des investisseurs étrangers les plus importants en Hongrie et les étudiants le savent très bien. Par ailleurs, certains étudiants choisissent d’apprendre le français car leur famille a des racines ou a vécu dans un pays francophone – c'était par exemple le cas d'une étudiante dont les parents, comme beaucoup de Hongrois, ont travaillé en Algérie; mais aussi si les étudiants souhaitent poursuivre leurs études ou effectuer des stages en France ou dans un pays francophone. En effet, l'université a beaucoup de contrats ERASMUS avec d'autres universités, en Europe et ailleurs. La sélection est très dure mais si l'on pratique le français, l'espagnol ou l'allemand, il est relativement facile d'effectuer un semestre dans une bonne université ou de décrocher un stage professionnel.

Ensuite il est intéressant de voir les retombées sur les carrières individuelles. Par exemple, il y a une quinzaine d'année déjà, les étudiants avaient la possibilité de suivre des cours en français dans leur spécialité: chimie, informatique, etc. Lorsque nous avons organisé la sélection pour cette filière, nous avons demandé à une étudiante ce qu'elle souhaitait faire avec le français. «Je veux monter une entreprise en cosmétologie», avait-t-elle répondu. Elle a donc fait une formation de chimie partiellement en français, un stage en France, un semestre à l'école de chimie de Montpellier, puis un projet de fin d'étude en cotutelle avec une université française. Et après son diplôme, elle a été engagée par L'Oréal! Or il y a beaucoup de cas similaires, même s'ils ne travaillent certes pas tous en France.

JFB: Les étudiants sont-ils tous conscients et bien informés de l'importance des langues étrangères dans leur cursus?

E.J: C'est la grande question... En sortant du lycée et à leur arrivée à l'université, ils sont abreuvés d'informations. Encore faut-il qu'ils les digèrent. Or l'essentiel est d'accueillir les étudiants le plus tôt possible à leur arrivée à l'université et certains étudiants, qui ont choisi de faire l'impasse sur les cours de langues, réalisent un peu trop tard qu'il s'agit d'une opportunité manquée. En effet ces cours sont pratiquement gratuits, ont lieu sur place et le choix est assez large. Or, pour avoir leur diplôme, les étudiants doivent également obtenir un examen de langue de niveau intermédiaire. A ce propos, il existe aussi une autre catégorie d'étudiants qui arrivent à l'université avec un examen de langue en poche, c'est-à-dire le critère minimum pour l'obtention de leur diplôme de fin d'études. Ils pensent alors pouvoir faire l'économie des cours de langues et ce n'est qu'à la fin de leurs études qu'ils réalisent qu'un examen de niveau moyen, obtenu à l'âge de 17 ans, n'est pas opérationnel sur le marché du travail...

Frdérique Lemerre

 

L'Institut des Langues en quelques chiffres

(année universitaire 2009-2010)

L'enseignement du et en français

10 professeurs à plein temps + _ poste de lecteur

310 étudiants dont:

  • 230 étudiants en sciences de l'ingénieur et en sciences économiques (FLE)
  • 60 étudiants en module de FOS (Français général d'Orientation Scientifique et technique...)
  • 20 étudiants en Traduction-interprétation

 

Pourcentage de langues enseignées à la BME

  • anglais: 53%
  • allemand: 20%
  • langues néolatines: 22%
  • (dont l'espagnol: 10%, le français: 8,5%, l'italien: 3,5%)
  • autres: 5% (russe, néerlandais, hongrois pour étrangers)
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