Guerre de religion

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Débat autour de la future mosquée de Budapest

Face à l’hostilité des habitants, la mairie du XIe arrondissement envisage de modifier l’emplacement de la première mosquée construite à Budapest depuis des siècles. Cette décision est-elle motivée par les éventuels préjudices causés aux habitants ou par l'identité des financeurs, proches d'Al Qaida, qui se cachent derrière le propriétaire du terrain?

Des centaines d'habitants du XIe arrondissement ont signé une pétition contre la construction d’une mosquée. Ils disent craindre d'éventuels embouteillages monstres autour de la mosquée et déclarent ne pas souhaiter qu'un quartier musulman se forme dans leur voisinage – la mosquée fonctionnerait en effet également en tant que centre culturel et serait dotée d'une bibliothèque et d'une salle de conférence. Il y a un an, la marie socialiste avait autorisé la création de cette mosquée, envisagée par l’Iszlám Egyház (Église Islamique), même si le Fidesz s’est toujours opposé au projet. Le conseil municipal a également convenu que cette mosquée puisse bénéficier du statut “d'institution”, ce qui autorise le propriétaire à augmenter la taille du bâtiment, la zone constructible sur ce terrain de 1080 m2 passant ainsi de 20% à 40%. Cependant, face à l'hostilité des habitants, la mairie bloque désormais chaque nouvelle proposition des architectes. Le maire, Gyula Molnár (MSZP), a récemment proposé au propriétaire du terrain de modifier l'emplacement de cet investissement.

Toute une histoire

Les envahisseurs Turcs étaient les derniers à avoir édifier des mosquées en Hongrie. Depuis le XVIIe siècle et la fin de l’occupation turque, la communauté bosniaque avait envisagé de construire une mosquée en 1930, sans succès. Deux des mosquées construites par des Turcs, l’une a Budapest, le Gül Baba Türbe, et l’autre au centre de Pécs, sont toujours fréquentées à l'heure actuelle par la communauté musulmane hongroise.

Par ailleurs, il existe déjà à Budapest 8 lieux de culte musulman. En 2001, lors du dernier recensement de la population qui permettait encore d'interroger les habitants sur leurs orientations religieuses, 3200 personnes avaient déclaré être de confession musulmane. Selon les estimations, elles sont aujourd'hui au moins cinq fois plus nombreuses.

La moitié de la communauté vit à Budapest et une grande partie est établie dans des villes universitaires. En effet, la majorité sont des immigrants venus en Hongrie dans le cadre de leurs études. Par ailleurs, entre 5 et 6000 Hongrois se sont convertis à l'Islam.

A Budapest, la communauté se concentre depuis longtemps dans le XIe arrondissement. La première organisation musulmane, la Magyar Iszlám Közösség (Communauté Islamique Hongroise, MIK) y a été fondée en 1988 par Zoltán Bolek (le vice président était alors Eduardo Rózsa-Flores, accusé de terrorisme et tué en Bolivie en avril 2009). La Magyarországi Muszlimok Egyháza (Eglise des Musulmans de Hongrie), dirigée par Zoltán Sulok, s’est séparé de MIK en 2000 à la suite de conflits internes. Puis l’Église Islamique – qui souhaite construire la mosquée en question – s’est elle-même séparée du MIK en 2003. Ces derniers sont entrés en conflit avec la direction du MIK qui contribuait à préparer des soldats hongrois luttant en Irak aux côtés des Américains. En outre, l’Église Islamique, dirigée par un dentiste palestinien vivant en Hongrie, Saleh Tayseer, était d'obédience sunnite, contrairement au MIK, connu pour sa tolérance envers les chiites.

La communauté regroupée autour de l’Église Islamique était déjà trop nombreuse pour pouvoir prier ensemble dans la mosquée Dar-Alsalam, créé dans un immeuble sur Bartók Béla út en 2004, puisque chaque vendredi entre 200 et 300 personnes s'y réunissaient. Cette année, Saleh Tayseer, soupçonné d'avoir voulu commettre un attentat contre le président israélien Móse Kacav, a été arrêté et emprisonné durant deux mois. Aucune charge n'ayant été retenue contre lui, l’Etat hongrois doit désormais lui verser deux millions de HUF de dédommagement.

Le projet de mosquée est ainsi repoussé d'année en année. De plus, selon les informations du site Hírszerzô, les députés s'interrogent sur l'origine des financements de cette mosquée. «Deux lieux de culte musulmans fonctionnent déjà dans l’arrondissement et il n’y a jamais eu de danger terroriste», a déclaré le maire, Gyula Molnár. Bien que ce dernier cherche à se montrer rassurant, l’hebdomadaire Magyar Narancs, la police et le Bureau de la Sécurité Nationale supposait, dès 2004, que l’église islamique bénéficiait de fonds provenant d’Arabie Saoudite. Des soupçons confirmés plus tard par l'agence de presse AP (Associated Press): l’aide financière provenait de la fondation Al-Haramain Islamic Foundation, connue pour financer certaines activités terroristes. L’Église Islamique avait alors confirmé recevoir des fonds de cette organisation tout en réfutant tout lien entre cette fondation et une quelconque activité terroriste.

Judit Zeisler

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