Révolutions de février-mars 1848 : Hongrois et Parisiens solidaires

Révolutions de février-mars 1848 : Hongrois et Parisiens solidaires

Ce 15 mars, les Hongrois commémorent le début de la Révolution menée en 1848 contre l´occupant autrichien. Mouvement qui se muera en Guerre d´Indépendance. Guerre qui, après plusieurs mois d´âpres combats, se soldera au cours de l´été 1849 par la capitulation des troupes hongroises.

Que se passa-t´il donc à Pesth en ce 15 mars 1848 ? A l´appel du romancier Jókai et du poète Petőfi, la jeunesse se rassembla dans un premier temps devant le Musée National où Petőfi déclama son fameux poème „Lève-toi, Hongrois, la Patrie t´appelle!” („Talpra magyar!”). Puis fut lue et imprimée une liste de revendications en douze points. La foule terminant la journée en se rendant à la prison centrale pour en libérer les détenus politiques. Cédant dans un premier temps, l´empereur Ferdinand V allait par la suite revenir en arrière et rejeter le programme élaboré par Lajos Kossuth. Entre temps avait été mis en place un gouvernement provisoire conduit par le comte Batthyány. Un mouvement qui allait bientôt se heurter à des difficultés internes, notamment face au séparatisme affiché par la communauté croate. Suivit une véritable guerre d´indépendance où les troupes hongroises (les fameux „honvéds”), non sans avoir remporté quelques victoires éphémères, allaient se voir écrasées par les troupes impériales auxquelles s´étaient ralliées les troupes du tsar accourues au secours du jeune François-Joseph, monté entre temps sur le trône. Une capitulation (août 1849) qui fut suivie d´une impitoyable répression au cours de laquelle fut procédé à une centaine d´exécutions dont celle de l´ensemble des généraux et du comte Batthyány. Dès lors, la Hongrie fut traitée en pays soumis.

Ce même 15 mars, à mille lieues de Budapest, des délégations étrangères se rendaient à l´Hôtel de Ville de Paris pour exprimer leur soutien à Lamartine et aux Parisiens, sortis victorieux de la Révolution. Dont une délégation hongroise. Parmi eux deux personnalités marquantes. Le dramaturge Károly Hugó et l´acteur-écrivain Lajos Dobsa. Tous deux avaient activement soutenu la Révolution de Février. Dobsa n´ayant pas hésité à se joindre aux combattants parisiens et à monter sur les barricades. Tous deux par ailleurs amis de Liszt qui leur avait apporté son soutien.

C´est Hugó qui avait, dans un premier temps, suggéré l´idée de se rendre en cortège auprès du gouvernement provisoire. Projet aussitôt approuvé par son ami Dobsa qui fut élu par ses compatriotes Président de la délégation. Hugó se voyant confier la rédaction d´une adresse de félicitations destinée à être remise à Lamartine. La date choisie fut celle du 15 mars. Pur hasard, nos amis étant loin de se douter de ce qui allait se dérouler en Hongrie. Parti dans l´après-midi de la place Vendôme, le cortège rassemblait les trois cents Hongrois de Paris, précédés de deux drapeaux aux couleurs nationales, revêtus de leurs costumes nationaux. Drapeaux qu´ils inclinèrent au passage devant la statue de Napoléon pour se rendre ensuite par les boulevards à l´Hôtel de Ville où ils furent reçus par les membres du gouvernement provisoire. Au fur et à mesure que le cortège avançait la foule parisienne se joignit à eux pour les acclamer au son de la Marseillaise et du Szózat (1).

Par la suite, le jeune Dobsa retourna en Hongrie pour s´y joindre aux combattants. D´abord réfugié à Berlin, Hugó put finalement regagner son pays, bénéficiant d´une amnistie.

Un épisode généralement méconnu, et pourtant éloquent, qui méritait d´être ici évoqué. Un soutien qui, près d´un siècle plus tard, allait se voir renouvelé, sur une toute autre échelle et dans des conditions autrement plus dramatiques, avec la participation de nombreux Hongrois dans les mouvements de la Résistance française.

En ce 15 mars, nous nous devions de mentionner leur souvenir et d´exprimer notre reconnaissance envers leur mémoire.

Pierre Waline

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